Vénilia ou la saga Maréchal

Les usines de Toiles cirées Maréchal sont fondées en juillet 1874, dans le hameau de Moirieu à Vénissieux, par Eugène Maréchal et son beau père Henri Séghers, sous le nom de Maison Seghers et Maréchal. En 1885, la firme prend une nouvelle appellation : Établissements Eugène Maréchal, gendre et successeur. Peu avant son décès, Eugène Maréchal constitue une société en nom collectif avec ses fils. En 1899, Henri et Alexandre Maréchal succèdent à leur père. Très vite, Henri s’affirme comme le véritable patron et porte l’entreprise jusqu’à des sommets inégalés. De sa création jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale, l’entreprise Maréchal est la plus importante société de Vénissieux.

Début Mars 1906, un important mouvement de grève se déclenche à l’usine, créant un élan inédit de solidarité dans toute la ville. Les 210 ouvriers se réunissent dans la salle de la Brasserie Bressieux, place Léon Sublet. Cette réunion donne naissance à la création du Syndicat de la toile cirée sous l’impulsion de M. Revelin et de Pierre Odoux. Ce premier syndicat de l’entreprise soumet aux frères Maréchal une liste de revendications. Les patrons n’acceptent qu’une partie des doléances, ce qui conduit à une grève générale. Les réunions se succèdent à la Brasserie Bressieux et le 31 Mars 1906, 800 personnes sont présentes et sont informées de l’élan de générosité qui se manifeste à l’égard des grévistes. Des collectes sont effectuées, une somme est donnée par le syndicat de la Verrerie Ouvrière de la gare et du personnel de la verrerie. Des quêtes sont également organisées dans les entreprises de Saint-Fons. La municipalité de Vénissieux, de nombreux commerçants et artisans de la ville apportent également leur aide financière. Des bals sont organisés, les recettes versées aux grévistes. La grève, entrecoupée par des reprises plus ou moins longues, va s’échelonner sur plusieurs mois, déchaînant les passions et donnant lieu aussi à de graves incidents. Cette première grève à Vénissieux a profondément marqué la mémoire collective. L’une des figures de proue de ce mouvement, Pierre Odoux, sera Député du Rhône de 1931 à 1932.

En 1912, les toiles cirées ont comme motifs des tons de camaïeux rose-mauve, représentant des scènes de sport, polo, course automobile, des fables de La Fontaine. Au fil des années, l’entreprise produit un nombre croissant de nappes et Vénissieux devient la capitale française de la toile cirée.

Durant le conflit de 1914-1918, l’usine Maréchal participe à la production de guerre par la fabrication de cirés, manteaux, pèlerines et de sacs pour les poilus.

Le 15 octobre 1918, plusieurs explosions affectant l’atelier de chargement de l’Arsenal, avenue de la République, vont causer de graves dégâts à l’ensemble de l’entreprise.

Henri Maréchal est inventif, ambitieux et entreprenant. Parmi les nombreux brevets qu’il dépose, celui de 1915 pour les toiles à pansements, connu sous la marque Hygiénic. A partir de 1923, il construit une annexe pour la filature et le tissage du coton, dans la commune voisine de Saint-Priest. Un autre établissement pour la fabrication de nitrocellulose est établi dans le village proche de Solaize.

En 1924, l’entreprise a désormais pour raison sociale Établissements Maréchal S.A.

Les frères Maréchal ouvrent des dépôts à Turin, Londres, Vienne, Le Caire, Casablanca… La société exporte ses toiles cirées, ses toiles cuir et ses vernis en Allemagne, Portugal, Grèce, Bulgarie, Turquie…Elle entreprend la construction d’une filiale à Gava, près de Barcelone.

L’usine de Vénissieux fabrique uniquement de la toile cirée, jusqu’en 1926.

En 1929, Henri Maréchal, âgé de 56 ans, décède des suites d’un accident survenu à Paris. La famille Maréchal, après avoir présidée durant 55 ans aux destinées de la firme, se retire et l’entreprise appartient désormais au groupe Zappon-Gillet/Thaon.

En 1946, les premières feuilles de chlorure de polyvinyle (P.V.C) fabriquées en France, sortent des calandres de Maréchal à Vénissieux. Dès 1955, la production de feuille de P.V.C. dépasse celle de la toile cirée. L’année 1956 marque les débuts des adhésifs Vénilia, qui va connaître très vite un succès planétaire. Les nouvelles toiles cirées de l’hiver 1959-1960 sont porteuses de dessins abstraits, oranges et verts criards.  Tout au long du XXe siècle, il y a une prédilection pour les carreaux, petits et gros, des motifs fleuris et fruités, des simples et des compliqués, des pâles et des colorés.

En 1961, l’entreprise Maréchal est absorbée par la société La Cellophane, appartenant au groupe Celtex.

En 1965, l’entreprise reprend le nom de Maréchal et passe dans le groupe belge Solvay.

L’année 1966 marque un tournant historique. La fabrication de la toile cirée composée d’huile de lin est définitivement arrêtée aux usines de Vénissieux.

Au cours des années 1970, l’adhésif Vénilia cesse d’être fabriquée à Vénissieux. Sa production est transférée dans une autre usine de la filiale à Boekelo aux Pays-Bas.

En 1973, l’entreprise change une nouvelle fois d’appellation. Elle est connue désormais sous le nom de Griffine-Maréchal, puis Vénilia en 1991 et Véninov depuis 2001.

Durant des décennies, sont partis quotidiennement de Vénissieux des dizaines de kilomètres de feuilles et de tissus enduits plastiques, dont le nom comportait toujours le radical Véni : Vénilia, Vénidécor, produits d’intérieur, Vénibox et Vénibase, feuilles spéciales pour la maroquinerie, Vénistar, Vénilyn et Véninappe, tissus pour la table…

De sa création à nos jours, le nombre d’employés varie de 200 à 1 200 salariés. En 1911, l’usine compte 300 salariés, soit 12 % de la population active de Vénissieux. En 1929, 1062 personnes travaillent pour Maréchal, 911 en 1931. En 1938, ce nombre descend à 600, puis à 500 en 1940. Durant les années 60, l’apogée est atteinte avec plus de 1200 personnes. En janvier 2000, il ne reste plus que 143 employés. Lors de sa fermeture en 2010, Véninov compte 88 salariés. Nous exprimons le voeu très sincère qu’une nouvelle société permette à l’entreprise de reprendre ses activités. Depuis 1874, les employés qui se sont succédés ont prouvé leur savoir-faire en créant une multitude de produits reconnus dans le monde entier.

Sources:

Vénissieux entre les deux Guerres. Banlieue Sud.

Thèse pour le Doctorat de troisième cycle : Philippe Videlier Université Lyon II 1982.

Rapport pour la Mission du Patrimoine Ethnologique Ministère de la Culture : La Toile Cirée par Philippe Videlier Université Lyon II (1985)

Contribution à l’histoire industrielle des polymères en France par Jean-Marie Michel.

Archives municipales de Vénissieux.

Bibliothèque municipale de Lyon Part-Dieu, archives du journal «  le Progrès »

Cartes postales et photos, collections privées

Nous remercions les anciens membres du personnel qui nous ont apporté leur témoignage et prêt de documents.